Joël GUERRIAU
Mon intervention du 15 novembre sur une paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan
Monsieur le Président, Monsieur le ministre, Mes chers collègues,
Depuis seulement un mois les canons se sont arrêtés. La rivalité entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan remonte à plus d’un siècle. En 1992, s’est constitué le groupe de Minsk afin de sceller par la négociation une solution politique au conflit. Comment admettre qu’après trente années la délimitation des frontières et le déminage des territoires, ne sont toujours pas réglé ? La paix ne peut pas reposer sur un statu quo au risque permanent d’une reprise des hostilités. Les accords de cessez-le feu et de paix en 1994 le démontrent. « Une paix trompeuse nuit plus qu’une guerre ouverte ».
La proposition de résolution dont nous débattons aujourd’hui a, pour objectif, que nous partageons, de rétablir une paix durable. La question qui se pose est de savoir comment optimiser nos chances d’y parvenir ?
Le multilatéralisme et la négociation politique sont incontournables pour aboutir à des avancées solides et résoudre définitivement ce conflit. La France, en tant que membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU et de l’OSCE, peut-elle agir unilatéralement, à l’encontre des obligations internationales auxquelles nous sommes tenus, en particulier la non-ingérence dans les affaires des pays ?
Notre pays doit œuvrer pour que l’Azerbaïdjan et l’Arménie reconnaissent mutuellement la souveraineté politique et géographique et l’inviolabilité des frontières internationales de chacun conformément à la charte des Nations unies. C’est exactement l’objet de la réunion quadripartite entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la France et l’Union Européenne qui s’est tenue le 7 octobre dernier à Prague. Nous devons saluer l’initiative du Président Macron. Cette rencontre, a permis des avancées autour de la délimitation des frontières entre les deux pays. Il a été convenu de mettre en place une mission civile de l’UE le long de la frontière pour une durée de deux mois.
Cette mission a commencé début novembre, il me paraît prématuré de prendre position avant de connaître les conclusions officielles de cette mission.
En attendant, la France doit poursuivre son action afin de contribuer à faire converger les points de vue en toute neutralité et impartialité, comme elle l’a fait lucidement et discrètement entre Israël et le Liban, deux pays en guerre depuis quatre-vingts années, qui ont signé un accord historique pour la délimitation de leurs frontières il y a quelques semaines.
Ce n’est pas la position défendue par tous les acteurs. A cet égard, le soutien de la Turquie à l’Azerbaïdjan – pour des raisons idéologiques et stratégiques – et son implication dans les agressions, ne fait que compliquer la situation conflictuelle.
De même, il nous semble indispensable que le retour des populations déplacées par les combats et la libération des prisonniers de guerre puisse se faire en toute sécurité sous la supervision des Nations Unies.
A cet égard nous demandons que les forces de maintien de la paix de l’ONU soient déployés tout au long des frontières et des zones disputés en remplacement des forces russes qui ont échoué dans leur mission convenue lors de l’accord du cessez-le-feu le 10 novembre 2020.
Bien sûr, les auteurs des atrocités et des crimes de guerres doivent être jugés devant une juridiction internationale. La France et l’Europe, doivent multiplier leurs pressions dans ce sens car jusqu’à présent, ni l’Arménie ni l’Azerbaïdjan reconnaissent la juridiction du Tribunal pénal international, ce qui empêche la création d’un tribunal spécial dans les meilleurs délais. L’unanimité du Conseil de Sécurité est requise. Il convient de s’interroger quant à la position que prendra la Russie sur cette question alors qu’elle s’est opposée sur la question syrienne ?
La culture arménienne est considérée comme une des plus anciennes au monde. La société azerbaïdjanaise est multiethnique, multireligieuse et multiculturelle. Nous devons respecter chaque peuple dans son identité.
La paix se construit dans l’acceptation de l’autre. Notre rôle c’est de promouvoir les valeurs de paix et de fraternité entre les Arméniens et les Azéris.
Nous devons éviter d’alimenter des haines en ouvrant la voie à la compréhension mutuelle. En ce sens je ne suis pas certain que cette résolution serve les intérêts de l’Arménie en éloignant la France de la médiation.
La proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui vise à mettre fin à un long et complexe conflit. Or, le manque d’une impartialité prérequise, risque de compromettre notre position de médiateur et notre légitimité auprès de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie. Je ne suis pas certain non plus que cela serve les intérêts du premier ministre Nikol Pachinian qui fait face à des manifestants qui se sentiront soutenus par la France, accentuant le risque d’une reprise des hostilités. Les Indépendants n’auront pas sur ce texte une position de groupe, chacun de ses membres votera selon ses convictions.