Joël GUERRIAU
Remise de la Légion d’honneur à Mme Jeannine Le Blevec
Mme Jeannine Le Blevec a reçu les insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur en mairie de Saint-Sébastien le 5 octobre 2013.
C’est le colonel Joseph VINCENT qui a décoré Mme Le Blevec pour des faits de résistance lors de la dernière guerre. Vous trouverez ci-joint le discours que j’ai prononcé à cette occasion, ainsi que celui de M. Yves Rio, adjoint en charge des anciens combattants.
« Nous sommes réunis aujourd’hui pour rendre hommage à Jeannine Gainche, épouse Le Blevec, pour évoquer la vie d’une femme, une sébastiennaise qui a joué un rôle dans l’histoire de notre pays et dans l’histoire de la construction d’une Europe de paix.
Je vais intervenir pour vous présenter cette personnalité sébastiennaise.
Chère Madame Le Blevec,
Vous êtes née le 26 août 1928 à Pontivy. Votre père est mécanicien et marchand de cycles. Votre maman s’occupe du foyer, elle est attentive à l’éducation des six enfants, quatre garçons et deux filles. La médaille de la famille lui est attribuée à ce titre en 1942.
Vous fréquentez l’école communale de Pontivy et vous obtenez le certificat d’étude. Vous poursuivez avec un certificat en comptabilité et sténodactylographie en 1945. Lorsque vous quittez l’école, c’est pour passer le concours des P.T.T. où vous entrez le 2 novembre 1945 et gravissez les échelons jusqu’à votre retraite en 1966.
Yves Rio reviendra sur les épisodes de votre adolescence marquée par la résistance.
Vous rencontrez Emile Le Blevec en 1951 dans la troupe de théâtre « Art et joie » de Pontivy. Vous vous mariez en avril 1953, et dès le mois de mai 1953 vous quittez Pontivy pour Mortagne au Perche où votre mari est muté. Vous vous souvenez bien de la famille de notre Directeur de Cabinet, Benoît Kerrain, dont le père était un collègue de travail de votre mari, Emile Le Blevec.
Votre mari poursuit sa carrière à la Conservation des Hypothèques et votre famille le suit au rythme des mutations. Après votre séjour en Normandie, vous revenez à Pontivy en 1959. Vous repartez ensuite vers Cholet en 1966, et vous arrivez à Nantes en 1973 où votre mari termine sa carrière en 1991.
C’est à Saint Sébastien sur Loire que vous décidez de vous installer en 1973. Vous faites alors l’acquisition d’une maison de maraîchers dans le quartier de la Fontaine. Vous occupez cette maison avec vos enfants, Jean-Pierre et Annie, nés en Normandie, et Didier, né à Pontivy.
Chère Madame Le Blevec, vous êtes une femme active dans les associations sébastiennaises.
Vous avez de nombreux centres d’intérêts et vous animez différents ateliers aux 3A : rotin, gravure sur verre, cuir, visites culturelles.
Votre passé de résistante vous conduit vraisemblablement à vous engager dans les jumelages de Saint Sébastien sur Loire.
Depuis votre arrivée sur la commune vous participez aux échanges franco-allemands avec Glinde, mais vous comptez rapidement parmi les fidèles du jumelage avec Kaposvar. En témoigne la présence fréquente chez vous à Saint Sébastien sur Loire d’Attila Csillag, Président de l’association de jumelage de Kaposvar.
Vous faites partie de ces femmes et de ces hommes qui au lendemain de la guerre contribuent au rapprochement des citoyens et à la compréhension entre les peuples, pour que nos enfants et petits-enfants vivent dans un monde de paix et de solidarité.
Vos racines sont aujourd’hui à Saint Sébastien sur Loire. C’est ce que vous avez confié récemment à l’occasion de la célébration de vos 60 ans de mariage ici-même dans cet Hôtel de Ville.
Nous sommes particulièrement fiers et heureux de saluer aujourd’hui à travers vous les femmes et les hommes de bonne volonté.
Avant de laisser à Yves Rio le soin de retracer votre parcours de résistante, je tiens à vous faire part du message de sympathie que m’a adressé, à votre attention, Henri Le Dorze, Maire de Pontivy.
Intervention de Yves RIO Adjoint au maire chargé des anciens combattants
« Il m’appartient, en ma qualité d’Adjoint au maire chargé des anciens combattants, d’évoquer votre parcours de résistante.
Nous nous sommes retrouvés à plusieurs reprises pour préparer cette cérémonie, et chacune de nos rencontres était empreinte d’une vive émotion.
L’émotion accompagnait les souvenirs de votre jeunesse et de votre famille, de vos racines à Pontivy, de vos engagements au service de la France et plus largement des valeurs de démocratie et de fraternité que vous défendez.
En 1911 votre père entre dans l’armée, il combat pendant toute la durée de la guerre 14-18. En 1939, c’est votre frère Jean qui, à son tour, décide de s’engager. Au printemps 1940 il est fait prisonnier au cours de la bataille de la Somme. Il réussit à s’échapper et dès son retour à Pontivy il se cache pour éviter d’être repris par les Allemands, puis il entre dans le maquis.
C’est dans ce contexte que vous grandissez, au sein d’une famille engagée et d’un environnement tourmenté.
Vous n’avez que 11 ans au début de la guerre et vous rencontrez les Allemands pour la première fois à Pontivy en juin 1940.
Votre voisin Marcel Quilliou, âgé d’une vingtaine d’année, crée en 1943 l’Organisation Civile et Militaire des Jeunes. Son frère aîné, Raymond, s’était engagé avec votre frère Jean, suscitant ainsi des conflits entre vos deux familles, car les pères des jeunes gens voyaient d’un mauvais œil leurs fils partir à la guerre.
Vous êtes attentive aux témoignages de votre voisin Marcel Quilliou et des jeunes qui l’entourent. Lorsque vous êtes sollicitée en 1943, vous acceptez, et vous les rejoignez en qualité d’agent de liaison P1 du réseau Centurie.
Je voudrais vous citer :
« Pour nous, les résistants étaient des patriotes. Pour les boches, ils étaient des terroristes. Marcel Quilliou dit Michel dans les réseaux de Résistance, notre plus proche voisin, était un résistant émérite. En 1943, il a demandé à mon père si je pouvais devenir agent de liaison, c’est-à-dire me charger de porter des messages sur les trains à faire sauter ou les lignes téléphoniques à couper, en me rendant d’un maquis à l’autre en fonction des postes de transmission. Le fait que je sois une jeune fille d’à peine quinze ans était un avantage : les Allemands se méfiaient moins et je pouvais me faufiler là où d’autres auraient été très vite suspectés voire arrêtés. Mon père, qui remplissait lui-même cette fonction a accepté et c’est comme cela que je suis entrée avec ma chère Jeannette dans l’OCMJ : l’Organisation Civile et Militaire des Jeunes. Nous faisions partie du réseau Centurie. »
Pour atteindre les différents maquis vous avez parcouru régulièrement tout le département à bicyclette, les messages codés étaient dissimulés dans vos cheveux ou dans le vélo lui-même. Il vous arrivait d’effectuer jusqu’à 150 km dans la journée pour remplir votre mission.
Les épisodes de votre vie de résistante ne manquent pas et nous ne pouvons les relater tous. Vous avez accompli votre dernière mission le 3 août 1944 : le message contenait l’ordre aux avions américains de bombarder les positions allemandes qui se retiraient.
Le retour à la vie normale s’opérait progressivement.
Plus tard, à votre arrivée à Saint Sébastien sur Loire, votre famille participe aux échanges franco-allemands avec la ville de Glinde, au côté de Marcellin Verbe, alors Maire de Saint Sébastien sur Loire. Le ressentiment laisse la place à l’audace pour construire le projet européen, la paix, l’amitié et la confiance. Vous poursuivez votre découverte de l’Europe avec vos amis de Kaposvar.
Votre vie entière a été un combat, pour la liberté, pour la paix, pour la démocratie. En reconnaissance de votre engagement, vous avez été à plusieurs reprises honorée.
Vous avez été reconnue comme membre des Forces Françaises Combattantes. Vous êtes inscrite au Ministère de la guerre et avez reçu un diplôme le 26 décembre 1947. Vous avez ensuite été décorée à trois reprises : le 11 novembre 1991 de la Croix du combattant, le 8 mai 1993 de la Croix du combattant volontaire de la résistance, et le 8 mai 1995 à l’occasion de la commémoration du Cinquantenaire de l’Armistice.
Les insignes de Chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur vous sont remis aujourd’hui en présence d’une assemblée nombreuse. Vous aviez souhaité partager cette cérémonie avec votre amie Jeannette, mais elle est hospitalisée à la suite d’un accident qui s’est déroulé hier, et nous avons une pensée pour elle.
En présence également de votre époux Emile, de vos enfants, 5 petits-enfants et 2 arrières petits enfants avec lesquels vous feuilletez et composez les pages du grand livre de l’histoire de votre vie. La vie d’une résistante que nous honorons aujourd’hui. »