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  • Photo du rédacteurJoël GUERRIAU

Inauguration des voies Missak MANOUCHIAN et Jacqueline BERNIER

Deux nouvelles rues de Saint-Sébastien-sur-Loire ont été inaugurées, le vendredi 13 janvier 2012, pour rendre hommage à deux résistants dont l’un était une habitante de la ville.

Mesdames et Messieurs,

Nous inaugurons aujourd’hui successivement les voies Missak MANOUCHIAN et Jacqueline BERNIER, conformément à la délibération du Conseil municipal du 18 décembre 2009.

Lorsque l’on parcourt la commune, l’empreinte sur nos plaques de rues de personnalités emblématiques et qui ont consacré leur vie pour que soit respectée la dignité humaine est très présente. Nos dernières dénominations de rues confirment notre volonté de saluer la mémoire de ces femmes et de ces hommes qui font honneur à l’humanité.

Je citerai :

Lucie AUBRAC, de son vrai nom Lucie SAMUEL, née BERNARD (1912-2007), résistante, militante des droits de l’homme.

La plaque de cette rue a été dévoilée en début d’année 2011 dans le quartier de la Fontaine.

Anna POLITKOVSKAÏA (1959-2006), grand reporter pour le journal indépendant Novaïa Gazeta, quasiment le seul journal russe à rendre compte de la situation en Tchétchénie. Régulièrement menacée, Anna POLITTKOVSKAÏA a été tuée par balle le 7 octobre 2006 dans le hall de son immeuble à Moscou.

La plaque de cette promenade a été dévoilée l’année dernière dans le quartier de la Fontaine.

René CASSIN (1887-1976), surnommé « l’homme des droits de l’homme », fut le père spirituel et le rédacteur principal de la Déclaration universelle des droits de l’homme adoptée par l’O.N.U. en 1948.

La plaque de cette nouvelle voie, située entre les rues du Pâtis Brûlé et de l’Ouche Grande, sera prochainement dévoilée.

Sur le fronton de l’Hôtel de Ville, on peut lire cette phrase de Marcellin VERBE, dont chacun connaît le parcours d’exception : « Tant qu’il y aura des hommes qui se lèveront et qui crieront « Faites reculer la haine et la violence ! » il y aura de l’espoir pour l’humanité. »

Ces paroles sont toujours d’actualité !

Reinhart KOSELLECK, connu pour son ouvrage intitulé « Le futur passé » fait partie de la génération des historiens allemands qui étaient de jeunes adultes à la fin de la Seconde Guerre mondiale et du régime national-socialiste. Selon lui : « L’histoire n’est nouvelle que dans des séquences d’évènements ; mais elle se répète dans ses structures ».

Il nous appartient de faire preuve de vigilance, de maintenir les esprits en éveil, et d’éclairer notre avenir à partir des témoignages du passé.

Au côté de l’Association des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture, et du groupe 240 d’Amnesty International, notre Municipalité est attentive au travail de mémoire et de commémoration.

Je reviens sur la personnalité de Missak MANOUCHIAN, avant de dévoiler la plaque qui porte son nom :

Missak MANOUCHIAN (1906-1944), est né en Turquie de famille arménienne. Il a été profondément marqué par le génocide du peuple arménien. Il arrive en 1924 à Marseille. Communiste, engagé dans la Résistance et responsable des FTP-MOI de Paris (Francs Tireurs Partisans – Main d’Oeuvre Immigrée), il mène une guérilla incessante contre l’occupant nazi. Arrêté le 16 novembre 1943 à Evry, il est jugé comme étranger mettant la France en péril. Condamné à mort, il est fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien, avec vingt et un membres de son groupe de résistants. Olga BANCIC, la seule femme, vingt troisième membre du réseau, sera décapitée ultérieurement en Allemagne.

Juste avant son exécution, Missak MANOUCHIAN déclare ceci: « Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur à tous. »

Gestapo et Police française utiliseront ces exécutions à des fins de propagande. C’est ainsi que sera apposée sur les murs de Paris une affiche, affiche connue depuis sous le nom d’ « affiche rouge », visant à discréditer la résistance dans l’opinion publique. Le combat et l’exécution de Missak MANOUCHIAN et de ses camarades a inspiré l’un des poèmes de Louis Aragon.

Nous sommes heureux de rendre hommage aujourd’hui à Missak MANOUCHIAN.

Et je vous invite à vous rendre au lieudit Les Berlaguts pour dévoiler la plaque portant le nom deJacqueline BERNIER.

Mesdames et Messieurs,

Alors que les derniers déportés de notre commune ont disparu, nous entrons dans le temps de l’Histoire, un temps où nous regardons désormais ces événements du passé sans la présence des témoins, mais avec leur souvenir et leur flamme.

Marcellin VERBE, Juliette ALLIOT, Jacqueline BERNIER, et bien d’autres encore comme eux, sont entrés en résistance, mus par une profonde conviction de justice. Arrêtés, déportés, ils ont connu l’ignominie du nazisme et de son système concentrationnaire. Le destin des déportés s’est souvent joué sur un coup de dé du hasard. Mais par leur culture (« gardez en mémoire des poèmes ! » confiaient certains d’entre eux), par leur solidarité (ces mains qui se touchent dans l’interminable attente de l’appel), par leur force de caractère, par leur foi (religieuse, politique), par leur humanisme profond, les déportés ont signé l’échec de cette vaste entreprise de déshumanisation et d’extermination, quand bien même ils ne sont que trop peu nombreux à être revenus.

En vertu d’une promesse faite à ceux qu’ils laissaient derrière eux, les hommes et les femmes qui ont survécu à l’horreur planifiée ne pouvaient ni ne voulaient oublier. Quand ils se sentaient mourir, les déportés disaient : « ce que nous vivons ici est atroce, au delà des mots. Il faut que certains survivent pour révéler au monde l’enfer que nous avons vécu. »

La commune de Saint Sébastien sur Loire doit à Marcellin VERBE et à son homologue allemand Arthur CHRISTIANSEN le jumelage signé le 22 août 1964 avec la Ville de Glinde. Leurs concitoyens, confiants, restaient cependant partagés entre l’enthousiasme et la crainte. Il s’agissait en effet d’un acte audacieux de réconciliation de deux visionnaires agissant en faveur de la paix et de la fraternité en Europe ! Cet élan de fraternité a ouvert l’horizon de Saint Sébastien sur Loire en direction de Kaposvar, puis Cernavoda, Porthcawl et Kati.

Jacqueline BERNIER compte parmi ces témoins de notre Histoire.

Jacqueline BERNIER (1912-2003), est arrêtée avec son père René (entré en résistance en 1940), sa mère Madeleine, sa sœur Odette, le 20 janvier 1944. Toute la famille est déportée en Allemagne. Les femmes sont dirigées sur Ravensbrück, puis déplacées ensuite à Mauthausen où elles retrouveront Juliette ALLIOT. Madame Madeleine BERNIER décédera à Mauthausen le 28 mars 1945. Jacqueline et sa sœur Odette sont libérées par les Américains.

Jacqueline BERNIER, déportée matricule 32483, sera promue Chevalier dans l’ordre de la Légion d’Honneur en 1977, et élevée au grade d’Officier dans cet ordre en 1999. Elle s’est éteinte le 19 mars 2003.

Nous sommes heureux de rendre hommage aujourd’hui à Madame Jacqueline BERNIER, et je rappellerai la profession de foi du Général de Gaulle inscrite sur le monument de Colombey-les deux-églises :

« La seule querelle qui vaille est celle de l’homme. C’est l’homme qu’il s’agit de faire vivre et développer ».

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